Décembre 2012. Quelques jours après avoir eu la chance de découvrir Shadow Dancer, nous sommes conviés, des confrères blogueurs et moi-même, à échanger quelques mots avec la comédienne principale du film, Andrea Riseborough.
Son nom ne vous dit pour l'instant peut-être pas grand chose mais croyez-moi, ça ne va pas durer. Vous avez déjà pu apercevoir cette anglaise à la trentaine à peine entamée dans Brighton Rock, Never let me go ou We want sex equality. Pour ma part, j'ai pris une claque quand je l'ai découverte dans W.E., le film de Madonna tant décrié qui vaut pourtant le coup d'oeil pour sa prestation hallucinante. Elle était même mon actrice du mois de mai 2012.
C'est non sans excitation que je me suis installée dans la suite d'un hôtel luxueux à deux pas de l'Opéra Garnier. 35 minutes d'échange. Je me souviendrais d'une actrice simple, bavarde et surtout passionnée.
En passant, je vous conseille vivement de lire cette entretien APRÈS avoir vu le film.
J'ai cru comprendre que vous faisiez parfois des suggestions à James (Marsh, le réalisateur du film). Quelles parties de vous-même avez -vous apporté à votre personnage, Colette ?
J'ai au contraire essayé de ne pas apporter trop d'Andrea en Colette. Par contre, j'ai en effet fait quelques propositions à James et me suis beaucoup investie dans le projet.
Un exemple. Quand nous tournions à Dublin alors que nous étions censés être à Belfast, il était très difficile de se projeter. J'ai donc été à Belfast pour faire quelques recherches et ramené des informations précieuses à James.
Colette devait également être la narratrice de l'histoire à la base. Je me suis opposée à cette idée car je trouvais que ça nuisait à l'ambiance paranoïaque du film.
Le film se termine sur un twist. Est-ce difficile de construire son personnage en ayant connaissance de cette fin et des choix parfois douloureux qu'il doit faire ?
En effet, c'est très complexe. Colette a comme une seconde nature… En fait, la réponse c'est justement que vous devez accepter toutes les possibilités et jouer en ayant ça en tête. On est bien obligé de lire le script avant de toute façon.
Colette nous apparait comme une victime pendant la quasi totalité du film alors qu'elle est finalement bien loin d'en être une…
Colette a surtout un instinct de survie. Elle reste fidèle à ses valeurs et à sa famille. Elle devient soudainement très forte pour les siens, pour son fils en particulier. Mais en ces temps de conflit, tout le monde était une victime au fond.
Avez-vous lu le livre avant d'être contactée pour le rôle ?
Non, mais j'avais commencé avant le tournage. À mon avis, il est plus judicieux de lire le livre après avoir vu le film. Si vous apprécié le film et qu'il pique votre curiosité, vous devriez apprécier le livre car il va encore plus loin. Tom (Bradby), l'auteur, est quelqu'un de formidable et de très intéressant. J'espère que vous aurez la chance de l'interviewer un jour.
Vous êtes anglaise et non irlandaise. Cela a-t-il était un obstacle pour obtenir ce rôle ?
Je ne sais pas… James m'a envoyé le script. Nous nous sommes rencontrés et avons discuté ensemble du rôle. J'ai pris un mois pour prendre ma décision. Donc non, je n'ai pas l'impression que ça l'ait gêné.
On s'attend à ce que votre personnage sombre dans la folie à tout moment mais ça n'arrive jamais. Est-ce que c'est la preuve de sa force ?
Dur de répondre à cette question car je n'ai pas écrit le script. Je ne peux pas vous dire pourquoi elle ne craque pas. À l'époque, je crois que c'était une obligation de dégager cette force. Nous étions tous des victimes mais il ne fallait pas trop le montrer.
Dans ce film, vous parlez très peu mais vous devez communiquer aux spectateurs beaucoup d'émotions différentes, notamment lors des premières minutes où vous ne dîtes pas un mot. Comment êtes-vous parvenue à ce résultat ?
Le plus important c'est de toujours faire des recherches et travailler votre sujet, quoi que vous fassiez. J'ai été à la rencontre de Colette, j'ai entamé un vrai voyage pour elle. Je me suis mise à sa place, j'ai imaginé ses peurs face à cette situation étouffante.
C'est la paranoïa qui règne dans Shadow Dancer. Tout le monde se méfie de tout le monde. Gardiez-vous cette distance hors-champs pour pouvoir tous vous concentrer sur cette ambiance pesante, qui caractérise si bien le film ? Discutiez-vous de vos personnages ?
Au contraire, c'était important d'évacuer pendant les pauses, de beaucoup rire, de se relaxer. Nous avions besoin d'être tout le contraire de nos personnages. Il y a beaucoup trop de tension dans le scénario. De beaucoup interagir nous donnait l'énergie nécessaire pour supporter l'histoire que nous racontions. Le cast était vraiment génial. Nous étions très concentrés mais nous n'oublions pas de nous relâcher. Nous avions pratiquement tourné l'intégralité du film quand Clive Owen a débarqué pour les 3 dernières semaines de tournage. Il a été à la fois très pro, impliqué et agréable. Ce fut un vrai bonheur de travailler avec lui. La première scène que nous avons tourné tous les deux fut celle de l'interrogatoire, nous avons plus ou moins improvisés et une alchimie s'est créée automatiquement.
Justement je voulais vous demander comment c'était de travailler avec Clive Owen...
Il est vraiment merveilleux, comme tout le cast.
Dans Never let me go, Domhnall Gleeson jouait votre fiancé. Ici, il joue votre frère. Pas trop perturbant ?
Oh non, c'est justement ça le boulot d'un acteur et ce sont deux films très différents, même si très noirs et durs tous les deux. Ce sont deux superbes histoires. Mais c'est un bonheur de travailler avec Domhnall, il est vraiment très drôle, il fait du bien sur un tournage.
Parlons de vos futurs projets, comme Oblivion. Comment gère-t-on un gros tournage de type hollywoodien ? Cela change t-il votre approche du personnage ?
Je pense que le plus important c'est de se battre pour un projet auquel on croit, quelque soit son sujet quand on est convaincu que c'est de qualité. Pour Oblivion, j'étais très excitée d'explorer un univers comme celui-ci. À la fois si vaste, original et dramatique. Avec Tom (Cruise) nous avons travaillé pour que notre relation paraisse la plus réaliste possible. La clé c'est toujours de suivre son instinct. Ce qui est super sur Oblivion, c'est que le réalisateur, Jo Kosinski, est à la fois l'auteur du comics et le réalisateur du film. Il sait vraiment ce qu'il veut puisqu'il est à la base de toute l'histoire. C'était fantastique de travailler avec lui sur un projet pareil. Oblivion c'est aussi le dernier projet de Richard D. Zanuck qui nous a quitté juste avant le début du tournage (producteur de Jaws par exemple). J'ai été très contente de pouvoir croiser cette légende du cinéma.
Propos recueillis le 3 décembre 2012
Traduction par Nicolas Leprêtre et Anne-Laure Soyez